Pizarnik & gressins

Les dernières semaines sont un trajet plus facile.
J'envoie souvent à B. de la poésie, tricotées ou imprimées, comme un petit animal voyageur entre deux rives. Je l'enlace de mots tissés doux. Je découvre Pizarnik, certains vers sont un filet, un voile. Je les lis par longues rasades, émerveillée.
Je nage. Malgré mes cheveux tombés, mon exigence assassine envers moi, mon inconfort au milieu des gens, je nage. Ça me remplit d'une fierté enthousiaste. Je souris encore du moment où, un colis allant finalement être livré à 10 heures, j'ai soupiré rassurée de pouvoir aller à la piscine entre midi et deux.
Je cuisine. Si en pensant à ses visites dans mon terrier, les seules que je veux, propose et espère, j'ai acheté la moitié des références de La Fourche (la plus gentille du monde, qu'il a dit, et ça me conduit à avoir des gressins dans mon placard alors que ça ne me fait pas tellement rêver, les gressins), j'ai aussi basculé en me fournissant en, environ, suffisamment de kilos de légumineuses pour tenir un siège. Je pourrais me lancer dans la lecture de tous mes bouquins pas lus sans faire une seule fois les courses, tiens... Je ne sais pas depuis quand je suis végétarienne mais je sais que je n'ai jamais mangé autant de pois chiche. Ma nutritionniste, celle avec qui je détricote mes prisons, va soupirer son fameux "ah bah enfin !", une sacrée récompense. Et un sacré changement, les "Vous ne mangez pas assez", je ne sais plus quoi en faire, une assiette plus grande serait un enjoliveur docteur, calmez-vous.

Je fais du yoga chaque jour, et du sport, je lis et dors bien, je me promène et rêve doucement. Je compulse mes petits feux, ai envie et le vis.

Je ne sais pas si écrire tout ça est valable, ceci dit je crois peut-être que là, remontons quelques lignes, c'est cette "exigence assassine". Soudain et souriant souvenir de lui, toujours, et son appétit de lecteur-ami tendre. Écrire cette marche est un espoir, une potion. La sorcellerie d'une femme qui se fait seule. J'écris comme je surmonte, j'écris comme je m'étire, entre les poèmes que je lui tends par messages brouillons et lignes de nage où j'inspire et expire, inspire et expire, air et eau, air et eau...