Schrödinger

J'écris comme on jardine, les pieds sur un chemin glissant et le dos courbé dans le labeur.
Mes jours se ressemblent pendant que je rassemble,
Ce que j'ai perdu ces derniers mois,
Ce que j'espère pour les prochains.
Je rêve un peu, rougis parfois, espère toujours.
Je sens mon corps reprendre une consistance, une force. Une fièvre.
Je range mes nuits, les ombres et ceuille le feu.
Je vis des interrogations généalogiques en miaulant, Schrödinger, yeux qui se perdent et gorge qui se noue une seconde, juste une. Il y a ce nom lu sur un avis de décès, novembre, 92 ans, est-ce possible, ce nom que je me suis imaginé lire à six ans sur la boîte aux lettres de l'immeuble, ce nom que je me persuade donc être le sien, pourtant : Schrödinger, laisser cet ami flou et précieux dénouer le grésillement des secrets poisseux.
J'ai envie de nourriture, de poèmes, d'une peau, de muscles tendus dans de longues foulées et de plus longues étreintes encore. De discussions qui s'étirent dans la nuit, de sexe heureux et tendre, de romans qui font miel et de phrases, mes phrases, à lier et délier et créer. D'un dîner avec ce tout petit trop de vin, celui qui rend les gestes lents et les joues roses, de la mer sur laquelle parier, gris-bleu ou bleu-vert ?, d'un baiser dans le couloir de l'immeuble, dans le petit recoin au pied des escaliers, je rentre le soir et pense à ça, j'y veux un baiser chaud, flou, sensuel et animal, tout en lèvres et langues et dents et gémissements étouffés contre la gorge, vêtements qu'on froisse, peau qu'on cherche, corps qu'on tient et voilà, je veux. 
Je vis,
M'étire et m'étends,
Sur le chemin et entre les fleurs,
Les jours,
Rien que mes heures.