Notes dans les derniers jours de décembre


• 
Nouvelle lecture, petit bouquet de houx et vieilles émissions de radio.
Faire du vide. Six mois de larmes presque quotidiennes, de presque larmes plutôt, de lisière d'eau. Ça commence à faire long. Je m'éclipse. J. m'écrit qu'elle m'aime, me dit qu'elle aurait aimé m'offrir la mer pour mon anniversaire, mais voilà. Les circonstances. On se tient par la main et plonge sous la vague. A. me raconte les boules de Noël fracassées dans ses escaliers. Les paillettes qui restent malgré le nettoyage.
Je ne parviens pas à me réchauffer, je commence un nouveau livre et peine sur les dernières pièces d'un puzzle. Je ris avec mon ami-chat quand il me répond "hum ?" dans nos discussions.
Je fatigue mais patiente, fais plein d'efforts.
Mais je fatigue oui.
Je fatigue.

• Faire de petits cadeaux à cet enfant, silence et ciel rose.
Ce que je trouve difficile dans la souffrance, c'est de ne pas disparaître sous elle. De ne pas la laisser nous aliéner, nous effacer. Nous isoler des autres et du monde. De l'accueillir sans la laisser tout écraser.
Je tombe donc parfois en moi, porte alors le visage de mes soucis.
Ça va passer.
Tout passe, même l'orage.

• Réussir à manger, dormir bien au chaud et être en vacances.
Après une semaine au chevet de l'enfant malade, les congés que je guettais tant sont là, suscitant une forme d'inquiétude. Les derniers week-ends et jours chômés, c'était des heures douloureuses et floues. J'ai peur de voir le temps filer et de ne l'avoir employé qu'à surmonter.

• Ciel incroyable, chien drôle et rose d'hiver.
Je tente d'écrire à B. ce colossal, ce poids mort entre mes bras, mais je suis polie au secret, roule mon dos contre l'écorce, en fait pousser une insomnie. J'efface tout.
J'ai encore laissé plein de cheveux sur l'oreiller. Retourne sous les épaisseurs me faire les muscles et le cœur forts.

• Acheter enfin ce livre, album adoré et chien frétillant.
Finalement, prendre sa main et approcher l'opacité.
Je sors prendre l'air au parc. Marcher un peu me repose, feuillages dans les roses, visite aux oiseaux et au vert parti. "Blue Eden" sent très bon. J'écris sur un banc, regarde les gens, repars doucement.
Je perds un sac de tristesse à chaque fois qu'on me dit "Je suis là". Je vis tout ça en solitaire, mais ces trois mots me font l'effet de petites lumières d'un foyer au loin. Les gens que j'aime sont là-bas, dans un petit cottage tranquille, à me guetter en faisant un Scrabble, une tasse de thé m'attend près du canapé.
Je recommence à méditer alors que j'avais dit, un homme qui me murmure à l'oreille sans que je jouisse, merci bien. Je déroule mon tapis et prends mes embruns un par un.
Je crois que je l'ai, le courage des oiseaux.
Je tiens mes jours, coupe des légumes et dors longtemps.
Je vis mon hiver et la jachère.

• Le bruit du vent, les cadeaux inattendus qui renversent et Verlaine qui joue avec la porte de la salle de bain.
Demain, j'ai 33 ans. Je ramasse trois fois l'eucalyptus, regarde les billets de train pour aller me baigner le 31 (j'allais écrire "laver"). J'ouvre leurs colis en sanglotant et riant, grands "Oh !" émerveillés. Il y a tout de même la broderie d'un petit canard scandant "Fuck le 17".
Je vais prendre le vent et un petit chemin, ça me saoule un peu de savoir tout ce qu'il faut pour aller mieux : ça demande beaucoup d'efforts, c'est un travail permanent. Mais j'y vais, et lever parfois le blocage du cerveau est difficile, presque douloureux.
Au yoga, au moment du saut en tadasana, il fallait trouver une gratitude. "M'en sortir comme une cheffe". C'est ce qui m'est venu spontanément.
Et je n'en doute pas une seconde.
Bravo cheffe.

The National, pluie fine et marcher après les larmes.
J'éclate en sanglots en lisant son message.
Je marche dans le parc pour reprendre cœur, il fait froid, il bruine une pluie poisseuse et je souris d'imaginer le réconfort du retour au chaud, au sec et avec du thé.
Mal dormi dans la nuit, pas fait de petite sieste, je m'imagine sous les plaids, déjà. Je fais du yoga, la liste des courses, un bisou au chat presque sur mes épaules. Et encore bravo cheffe.

Le yoga avec Verlaine en observateur facétieux, chien dans un sac et pâtisseries de droite.
Donc, 33. Voilà. 33 ans. J'ai mangé deux très bons gâteaux avant la sieste sous le chat, fait mon fameux travail thérapeutique air frais-yoga-méditation : la vida loca, donc. J'ai cuisiné une soupe de fenouil car je sais aussi être punk.
J'ai senti ma rose préférée au parc et vu une poule perchée dans un petit arbuste.
J'ai pris des photos du ciel pour ma collection.
Je souris un peu de ces instants où je me répare dans la roseraie. Cette marche avec les joues encore humides, je la porterai bientôt en moi comme une poésie attachante. C'est dans les fleurs endormies que j'éclos.
Je m'étire avec cette fin d'année.
Je respire.
Fais la planche.
Et des soupes.