Notes dans des jours de novembre

Thé de Noël, finir un puzzle et lire au lit.
Des mots que j'écris et efface dans la foulée, le temps bleu et froid et sec espéré, mes efforts et les eaux claires.
Un été, j'ai posé mes affaires sur le bord de la route, et sauté dans la mer à mes pieds. Je longeais les remparts à brasses tranquilles, et c'était fou, cette baignade. Je n'avais jamais nagé dans une mer pareille. Une mer aussi haute, grosse et enveloppante.
Je n'avais jamais été portée comme ça.
Je suis remontée aux hommes en titubant, muscles tendus par l'effort et la peur de ce que j'imaginais une transgression, le sel doux sur mes lèvres et moi là, goûtée gouttante entre les touristes pressés, la robe qui colle à mes cuisses dans la sensualité de la fugue alors que tout était rigide et chronométré, petit train touristique, mères qui crient et pères qui croquent, ma peau salée de sauvage baignée dans l'immense.

L'attendre avec un thermos de thé, le parc désert et le réconfort du sommeil.
Je pense à B. en lisant des choses qu'il aimerait, en écrivant des choses que je déteste. C'est tout un paysage intime et émouvant, après les saisons balayées. Poésies bien qu'à lui, bras plein de coussins et parfum d'un thé au pognon. Je lis un gros roman en me brossant les dents et n'arrive pas à me réchauffer. Slowthai dans mes trajets, j'esquive des gens à la délicatesse de bœufs errants, et ça parle fort et colle et crie et touche et fait descendre du trottoir. J'ai pleuré du monde, changerai mes week-ends pour ne pas me noyer dans les bruits des dernières semaines avant les fêtes.

Faire rire, ciel insensé et chiens dans la rue.
J'ai tout effacé ici. Avant. Comme ça. Coup de pied dans le sable. Plus de dates, pas d'archives, aucun commentaire. Une brasse longue et silencieuse, qui délie. Je ne sais pas si c'est un virage, mais j'aime que le mot sonne avec rivage et courage.
Mes cheveux repoussent. Je les arrange à peine car, mes mains si froides et mes doigts bleus qui effleurent ma nuque, ça ne vaut pas le coup.
Je me souviens d'un soir où en arrivant au pub après le travail, W. avait pris mes mains entre les siennes pour les réchauffer, c'était doux, personne n'avait jamais fait ça pour moi. Personne ne l'a plus jamais fait, et ça me manque un peu. C'est comme m'endormir dans un canapé, me réveiller couverte et mon livre bien posé. Il y a la mémoire du corps. Les tendresses qui ne se disent pas mais se vivent fort, jusqu'aux bouts des doigts qui dansent entre deux paumes.

Jour de repos, froid du matin et chat drôle.
Je mange de la soupe midi et soir, me rattrape, me fais de la douceur sur des petites îles. Une heure de puzzle, dix minutes de dessin, une sieste. Je n'ai pas dit, bientôt mon anniversaire, vis comme ça dans l'hiver qui s'effleure. 
J'aimerais qu'on ne parle pas, qu'on s'enlace et délasse juste, dans un corps à cœur cousu de laine. Je crois que j'aimerais tout résumer et dessiner en une étreinte, et ce serait merveilleux, entendre je t'aime sans une seule lettre, lèvres chaudes sur l'oreille. Un baiser y tomberait et ferait pousser un bouquet de forget-me-not. Je sais me retenir sur les rochers mais j'aimerais sur mon front un peu froissé le panse-temps d'un bisou magique.

Lire au parc avec du thé, ciel bleu et des pies qui font du petit bazar
J'ai ri en redécouvrant un dessin de mon amie A. Assise avec son fils, elle lui montre dans un livre la Terre :
"Tu vois, c'est là qu'on habite.
- Pfff, n'importe quoi, on habite à côté de l'église nous !"
J'ai emmené ce rire manger de la soupe dans mon midi mal fichu, chaque hémisphère de ma petite personne pas si petite connaissant une douleur. Poignet droit, cheville gauche, genou droit, vague migraine, dos tendu, rien de terrassant mais rien de bien marrant, si ce n'est que certains bobos s'expliquent par mes heures de puzzle sur le sol froid du petit salon. Alors le rire plonge le nez dans son bol de soupe, et regarde les bureaux pliables sur internet.

• Commencer un nouveau puzzle, découvrir un auteur et guetter la neige
2023, je piège des arbres et dîne chaque soir en pyjama : bienvenue à la maison de retraite des madeleines radicalisées.
J'ai fait un petit soir très petit doux, tasse de thé vite en rentrant du travail, pour ranimer mes fossettes. J'ai encore mangé de la soupe, encore fait du puzzle, encore joué avec le chat, encore aimé être seule et dentellée de petits trésors qu'à moi. L'année est trop difficile pour museler mes élans : je me love sous la nuit, fais silence et monde intime bien lointain.

• Mots qui font tout, chat mignon dans la rue et bricolages de Noël
J'ai fait un rêve avec : des CRS, le budget de l'État et les sous-sols de la DGSI. Ça m'a fait une petite nuit, puis une grosse journée. Mais j'avais de la place dedans pour boire plein de café et de thé, imaginer mes prochaines solitudes et faire des féeries sur les flocons. Mon amie C. m'a envoyé des petits puzzles, je les guette déjà. Je fais de l'ornithologie avec le chat, cherche une histoire dans les nuages.