Au bois

Le Thermos sent encore le café de vieux chemins parcourus. Y flotte désormais une eau tiède, infusion d'orties ramassées dans le matin, à mains nues.

L'homme marche d'un bon pas entre les arbres nus, il n'est plus en quête d'un vide illusoire. Où il n'y a rien, la nature œuvre. Ronces, mousse, champignons.
Le silence n'existe pas non plus. L'homme s'en est vite rendu compte.
Il a quitté les villes puis les campagnes, la mer grondante. Trouvé encore un bruit résiduel dans la forêt où il est tombé.
Mais celui-ci est supportable car d'aucun de ses semblables.
L'homme est. Sans identité. Il a perdu son prénom, la pensée et le rire. Les formules, les rites initiatiques. Ça a été l'ensauvagement de chacune de ses cellules, jusqu'à l'éviction de son prénom donc. Pas après avoir brûlé ses papiers dans le bûcher de ce qui l'alourdissait. Plutôt après avoir franchi ce fossé.

Il est, au tronc d'un chêne, se démêlant des racines.
Il est, à l'affût de l'animal à tuer. Au vent à guetter. A son potager désolé. Aux herbes du matin dans son bol ébréché.
Il n'a jamais été aussi humain que dans l'animalité de l'instinct souverain.
Il mange quand il a faim.
Il dort quand il a sommeil.
Il ne rêve pas.
Il ne règne pas.
Il est.