Je vis dans les marges, y flambe et y craque de petites allumettes en mots, papiers cassés, argile creusée.
J'élabore des mondes pour ne pas périr de celui-ci. On m'a dit trop virulente, alors j'ai compté mes sous et sur elle pour le graver au-dessus de mon genou. Virulente... Je suis virulente oui, je suis virulente du cri de cet homme, son œil perdu après le tir d'un CRS. Je suis virulente de la CAF qui baisse tous les trois mois et sans raison. Je suis virulente d'avoir déjà eu le téléphone coupé. Je suis virulente des mamans qui sautent le diner, des prisons remplies, des fachos qui défilent dans la rue. Je suis virulente car je crois qu'un autre monde est possible et nécessaire, je suis virulente car je le veux, je nous le veux. Je suis virulente car nous méritons mieux.
J'écris et peins et invente et sculpte et coupe et imagine avec feu, j'aime et rêve, en espérant la force des mauvaises graines, le courage des pies hurlantes.
Virulente, je suis fleur vagabonde, feu de broussaille et savoirs en sorcellerie.
Quelques siècles avant, on m'aurait tuée, jetée dans une maison de correction ou un couvent, sur un bûcher ou dans le lit d'un homme, forcée.
2024, je porte la corvée, mais le menton haut des ressuscitées, la puissance des autres virulentes.
2024, j'écorche mon genou du mot soufflé, je ramasse mes livres et crée nos jours, embrasse la joie et nos éclats.